1-Des débuts mouvementés

Mercredi 29 avril 2009

Ca y est, j’y suis dans l’avion qui me mène à Tanger… encore en transition d’un monde à l’autre. J’aurais pu pourtant commencer à écrire avant, tant ce voyage me secoue les trippes depuis plusieurs semaines. Se lever tous les matins avec une boule au ventre, angoisses ou stress incontrôlables. Je dois vaincre mes peurs que je peine parfois à qualifier ou à expliquer. Peur de devoir entreprendre ce périple seule, peur d’avoir mis la barre trop haute, peur de ne pas atteindre les objectifs que je me fixe. Ces deux mois qui me semblaient si longs paraissent se rétrécir à mesure que j’égrène les étapes sur la carte. Les obstacles à gérer et galères imprévisibles se dressent tels de mauvais rêves. La fatigue accumulée depuis le rallye ne me laisse pas de répit pour vivre sereinement les choses, ni la combativité pour les organiser. Les choses m’échappent, il me faut lâcher prise et accepter de ne pouvoir tout contrôler, que ce ne soit pas parfait. J’ai tendance à me sécuriser en emmenant trop de choses, mais si je devais me séparer de la mule ? si elle n’avançait pas correctement ? et si, et si…le mental s’emballe !! Je passe encore quelques coups de fil à droite  gauche pour me rassurer, avec plus ou moins de succès… Non, définitivement, il va falloir lâcher prise et puiser au fond de moi-même l’énergie qui me pousse jusque sur les chemins de l’Atlas, rechercher dans les raisons profondes et parfois obscures qui me minent la joie et la sérénité pour bien vivre ces moments exceptionnels. C’est sûr, je me mets la pression, mais pourquoi ? Voilà que j’ai peur de tout  et surtout de me retrouver seule face à moi-même. Je ne voudrais  quand même pas me gâcher ces moments privilégiés de retour à la simplicité, à la rencontre, de paysages splendides, de pause salutaire dans une vie que je m’organise trépidante. J’ai peur de retomber dans mes crises de nerfs du rallye, où nombre de mes certitudes se sont effondrées, mettant à jour mes limites et mes fragilités.  C’est tout cela que je dois accepter aujourd’hui et emmener aussi dans mes bagages. Je n’ose mettre trop d’espoir et d’attente dans cette « traversée du désert », laissons-là se dévoiler à sa façon.

 


Vendredi 1er mai 2009

Dans l’avion qui me mène à Agadir, je prends conscience. Le projet prend corps. Le boulot est définitivement lâché après une dernière intervention chez Atlas pour les formations. Je viens de franchir les montagnes du Haut Atlas qui m’attendent, encore saupoudrés de blanc. Ces derniers temps j’agissais dans un état second, alternant les périodes de sérénité lors de la préparation des bagages, avec fébrilité et désespoir lors de petites galères comme les points et tracés GPS de Joël qui ne voulaient pas se charger.  Mon tri sélectif a fonctionné puisque je n’ai pas payé de surcoût de poids à l’aéroport. Première petite victoire qui met en confiance, on se raccroche à ce qu’on peut face à l’inconnu. Au fur et à mesure que je lâche prise, je me transforme, plus sereine, même si ce n’est pas l’euphorie. A présent que j’entre dans l’action, j’y fais face avec une certaine tranquillité. Quelles drôles de forces me poussent donc à mettre en œuvre ce voyage ! J’aurai envie de dire comme à chaque fin de voyage avec Sarah, « l’année prochaine, on part aux Caraïbes ». J’essaie d’envisager l’environnement qui me semble hostile en atmosphère sympathique et aimante. Cela marche pas mal : les policiers, douaniers, personnels au sol n’ont jamais été aussi  aimables et conciliants.

Débarquement à Agadir qui ne m’est pas inconnu, puisque nous y sommes passés il y a un mois pour nous rendre à Essaouira. Je choisis un grand taxi pour me rendre à la station de bus, mais il me conseille d’aller à la station des bus collectifs pour aller plus vite car les cars sont lents. Effectivement le jour de la mosquée cumule avec le jour férié et tous les magasins sont fermés, la ville vit au ralenti. Après avoir attendu 45 minutes que le taxi se remplisse, j’embraye par une série de taxi  (baptême pour moi puisque jusqu’à présent j’utilisais le 4X4. Arrêt à Taroudant, où le temps de faire quelques course, le taxi pour Ouled Bratim est rempli. Mais à Ouled B., il faut attendre près de 2h ( la fin du repas) pour partir à Tafingoulte. Sur la place du village, des jeunes m’aident à porter les bagages jusque chez Mohammed et Fatima.

Je les surprends en pleine sieste, affamée, il est 15H. Je pose les bagages, grignote un peu, discute puis vais découvrir mon mulet. Il est grand et se porte beaucoup mieux que le précédent. Nous passons le reste de l’après midi à faire connaissance (le mulet et moi !) ce qui ne va pas sans mal car je n’ai pas toujours les gestes adéquats : trop brusque, j’essaie de soigner ses blessures avec la bombe désinfectante qui lui fait peur, il me fait peur en me donnant un coup de sabot pour se dégager..
Enfin, les débuts sont  un peu houleux, ce qui achève de me stresser. Mes hôtes sont inquiets pour moi ! c’est communicatif...
Dans la famille GOUBIALI, je demande les fils...
Abdel Ali (12 ans), Akrane (10 ans) et Aïmeda (5 ans)


Samedi 2 mai 2009

Journée beaucoup plus détendante aujourd’hui. On entre dans le vif du sujet en mettant le bât sur le mulet qui se débat bien au  départ ! Mais dès qu’on commence à marcher, avec le chargement potentiel, les choses rentrent dans l’ordre. La mule avance tranquillement et bravement. Pourtant on ne lui a pas encore mis la bride. Avec le licol elle tente de manger à droite et à gauche. Cela m'ennuie de lui mettre la bride car je la trouve gênante dans sa mâchoire  et cela la fait baver en tirant la langue. Mais visiblement, elle est habituée ainsi et sait que quand elle a la bride, elle travaille et doit obéir ! la balade dure 1H30 et se passe très bien, ce qui achève de me mettre en confiance. Doucement, c’est moi qui m’apprivoise à son contact : ne pas la caresser sous le ventre, approcher doucement les blessures à soigner, faire attention aux sabots qui tapent pour chasser les mouches. Une grande leçon : on la contient par l’estomac. Elle se jette sur le blé, le foin, tout ce qui croque et dont nos ânes français ne voudraient même pas. Fatima (l'épouse de Mohammed) lui donne les épluchures de légumes. Par contre, elle ne veut pas du sucre qu’elle ne connaît pas.

Abdel Ali à qui j’explique qu’en France on donne des noms aux animaux la baptise spontanément et aussitôt « Mimi » ce sera dons « Mi Mi la MUL » (marcheuse ultra légère) car apparemment ce ne sont pas mes bagages qui vont la fatiguer. Mais rapidement, c'est plutôt Mémère que je l'appellerai...

Au cours de la promenade, on tente de faire passer Mimi dans un canal d’irrigation qui court le long du chemin mais elle refuse tout net, n’y voyant pas de logique !

Je pensais faire la sieste mais je commence à étudier les cartes avec Mohammed qui a pris en main le nouvel ordinateur que je lui ai offert en remerciement de ses démarches pour me dégotter LA mule idéale. Il se charge de m’indiquer les coordonnées GPS des points qui m’intéressent. Inquiet, il souhaite que quelqu’un m’accompagne si possible à partir d’Aït Amarane pour traverser le djebel Siroua  ; sinon j’en ferai le tour par des chemins muletiers plus passants. Nous allons visiter deux chauffeurs qui pourraient transporter le mulet, un demande 100€ et l’autre 50€, il faut dire que c’est un ami de Mohammed. L’affaire se conclut à la nuit. Il est temps que je commence à marcher, je voudrais bien faire tomber les angoisses qui s’accrochent encore !

Je passe de sympathiques moments avec Mohammed, Fatima et leurs 3 enfants. Ils sont mon dernier port avant de jeter l’ancre ! J’ai l’impression d’être déjà bien loin depuis mon départ de France.

Cette nuit, je fais un cauchemar : un homme menaçant se cache derrière le canapé ! Je crie et Mohammed sort en trombe de sa chambre pour me protéger et se donne un beau coup à la main au passage...

 


Dimanche 3 mai 2009

A 7H30, le pick-up arrive pour embarquer la mule. Fatima lui fait ses adieux, en avouant qu’elle est contente qu’elle parte car tous les matins elle tapait du pied à partir de 5H pour sortir de l’écurie que les Goubiali lui ont fait bâtir exprès par qu’elle ne soit volée.
Et c’est vrai qu’elle réveille toute la maison, moi y compris. Mais en même temps, Mimi lui manquera un peu, elle avait fini par faire partie de la famille. L’embarquement ne pose pas de problème, Mimi est plutôt placide et un peu aidée, elle finit par monter.Après mes adieux à la famille Goubiali, c’est le départ de l’aventure ! Mohammed m’accompagne pour faire la première journée avec moi jusqu’à Aït Amarane où demeure la famille de Fatima. Un autre Mohammed, après avoir déposé les filles dans les fermes de la région (culture d’orange essentiellement), nous conduit sur 80kms au point de départ qui a varié par rapport à l’idée d’origine. En effet, nous partirons plus au sud, ce qui me gagne une journée à pied et nous permet d’être à Aït Amarane le soir même. Halte à Aouloug, en plein jour de souk, pour y faire quelques courses diverses et variées : graines pour le mulet, quelques dattes, de la corde. Nous cherchons un mors que je souhaiterais moins gênant pour la bête mais visiblement ils sont tous fabriqués da la même façon et le mulet y est habitué. Et puis n'oublions pas une carte de téléphone local pour la fille.Le mulet déposé près d’un café sorti de nulle part au Sud de Siroua, voici mes premiers pas sur la GTAM faite maison ; tout se passe pour le mieux, randonneurs et mule avancent d’un bon pas. Le sac de Mohammed tombe mais, par chance, un berger s’en aperçoit et nous hèle. Mieux vaut bien arrimer les bagages, ça tangue sec sur le dos de Mémère ! Nous nous engageons dans un magnifique oued, tout proche des gorges de Tislit. Le paysage est bucolique, le contraste de l’oued verdoyant avec les pierres du djbel nous accompagnera tout au long du trajet. Le long de l’oued, les villages se succèdent. Rebelote, un sac de paille tombe, mais là c’est la mule qui nous avertit ! Première frasque de Mémère qui tente de se roulet dans le fond sablonneux des oueds qu’elle trouve à son goût, avec les bagages bien sûr ! Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire devant les efforts de Mohamme pour la relever...Petite pause casse croûte au bord d’un bassin creusé dans l’oued. Les gosses nous observent en chassant les nids d’oiseaux d’ailleurs ils en trouvent un dans un trou de la roche. Nous poursuivons ensuite dans une gorge dont les parois forment autant de grottes où les bergers abritent leurs troupeaux. Un peu plus loin, je m’essaie à la chevauchée de la mule, cela se passe plutôt bien. Pratique en cas de chute ou de blessure !

De village en village se dévoile le massif du Siroua au pied duquel nous atteignons Aït Amarane.Mohammed fait halte juste devant chez une tante de Fatima. Elle propose que son fils m’accompagne pour franchir le massif au lieu d’en faire le tour comme prévu initialement. Il viendra nous retrouver dans la soirée s’il est d’accord. Nous créchons ce soir dans la maison du frère de Fatima, qui n’est pas là puisqu’il travaille en ville. La maison est grande et confortable. Il y a même une grande cour intérieure pour le mulet ! Contraste entre ces habitations modernes en ciment et les maisons traditionnelles en pierre. J’évoque avec Mohammed le gite qu’il souhaite bâtir ici et le style qui pourrait plaire aux touristes, puis bricole quelques arrangements techniques sur l’équipement du mulet. Mohammed prend des nouvelles de tout le monde et va à la mosquée, cela fait 5 ans qu’il n’est pas venu dans la région ! L’autre Mohammed (encore un ! -le fils de la tante) vient nous rejoindre et est d’accord pour m’accompagner à travers le djebel Siroua. Chouette, cela promet d’être une belle rando et je serai en sécurité coté mule et chemin à suivre. Ce soir, je dors mal, impossible de trouver le sommeil, allez savoir pourquoi.

 

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